LES ANTONINIENS DE L'ATELIER D'ANTIOCHE SOUS LE REGNE DE PHILIPPE L'ARABE (244-249)

 

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LA FRAPPE DES MONNAIES


L'opération de frappe des monnaies reste un sujet mal connu, en particulier des collectionneurs qui sont souvent bien plus intéressés par les monnaies elles-mêmes que par la manière dont elles ont été produites, c'est pourquoi je tenais à faire ce chapitre afin de montrer que la numismatique ne se résume pas uniquement à rassembler des monnaies...

Le fonctionnement d'un atelier monétaire sous l'Empire Romain, pour ce qu'on en connaît, est généralement assimilé à un bâtiment rassemblant les différentes opérations de production, depuis le métal brut jusqu'à la monnaie finie. L'organisation devait y être très bien définie car le rendement était un facteur très important : jusqu'au milieu du IIIème siècle, la grande majorité des monnaies impériales était produite par l'atelier de Rome qui devait assurer à lui seul l'approvisionnement en numéraire de tout l'Empire.


La préparation des flans monétaires

Il n'est pas certain que cette opération ait été réalisée au sein même de l'atelier. En effet, le Trésor Impérial était conservé dans de nombreuses villes de l'Empire, bien souvent en dehors de la ville émettrice, et les flans monétaires (disques de métal constituant le "corps" de la monnaie) y étaient probablement produits sur place puis amenés sous bonne escorte jusqu'à l'atelier monétaire.

L'opération de préparation des flans regroupe en fait trois opérations : la fonte des métaux, la préparation des alliages et la fabrication des flans. La fonte des métaux était réalisée à partir du minerai nouvellement extrait, mais devait aussi inclure des émissions anciennes, permettant ainsi de renouveler le stock monétaire en circulation : il ne faut pas oublier que c'était le poids de métal précieux contenu dans la monnaie qui en faisait la valeur, ce qui fait que certaines monnaies étaient encore en circulation plusieurs décennies après leur émission.

L'opération suivante était la préparation des alliages par adjonction d'autres métaux, le métal précieux n'étant pas utilisé pur (les antoniniens sont en billon, alliage de cuivre et d'argent), et enfin la fabrication des flans monétaires consistait à couler le métal dans des moules individuels (moules à alvéoles). La valeur de la monnaie étant conditionnée par le poids de métal précieux, le fondeur devait réaliser un nombre de flans bien défini dans un poids de métal donné : sous Philippe l'Arabe, l'antoninien était taillé au 1/72ème de la livre romaine, soit 4,51g en moyenne par exemplaire, et devait avoir un poids compris entre une limite inférieure et supérieure définie par l'administration. On comprendra alors aisément que l'intérêt du fondeur était de s'approcher le plus possible du poids limite inférieur, lui permettant ainsi de dégager un bénéfice personnel non négligeable.


La gravure des coins

Chaque atelier possédait ses propres graveurs. Si le style est assez uniforme pour l'atelier de Rome, on constate qu'il n'en est pas de même pour l'atelier d'Antioche dont la qualité de la gravure est assez variable, et est visiblement le fait de plusieurs graveurs plus ou moins habiles.

Les coins monétaires (matrices de fabrication), en bronze ou en fer, étaient réalisés à l'unité et présentaient une gravure en creux réalisée par gravure directe au poinçon, ce qui explique que les coins soient tous différents. Contrairement à l'atelier de Rome qui n'a représenté sur les antoniniens de Philippe que le buste radié, cuirassé et drapé tourné à droite, vu de trois quarts en arrière, les graveurs d'Antioche ont pris la liberté de représenter le buste de l'Empereur dans différentes positions : tourné à droite ou à gauche, vu de l'avant ou de l'arrière, cuirassé & drapé ou seulement cuirassé. Ce sont les mêmes bustes qui étaient représentés sur les tétradrachmes d'Antioche.

Les étapes de la gravure d'un coin monétaire sont inconnues, mais je pense d'après mes observations qu'elles étaient à peu près les suivantes : le graveur réalisait en premier le grènetis d'un diamètre de 19 à 20mm, puis gravait une marque circulaire très légère, presque invisible, lui permettant de repérer l'emplacement des jambages des lettres constituant la légende (de telles marques s'observent assez souvent sur les antoniniens d'Antioche de Philippe, voir l'exemple ci-dessous). Il gravait ensuite la représentation à l'intérieur de cette marque, par exemple une divinité sur le coin de revers, puis y ajoutait la légende dont les lettres pouvaient éventuellement être écartées si la représentation dépassait de la zone prédéfinie.

Les étapes de gravure du coin


La frappe des monnaies
La frappe des monnaies

Chaque atelier monétaire était divisé en plusieurs petits ateliers appelés "officines" frappant chacune un revers différent. Les antoniniens, monnaies de faible diamètre et réalisées dans un métal assez mou étaient frappés au marteau tandis que les grands bronzes ou les tétradrachmes gréco-romains qui requièrent une énergie plus importante étaient frappés au "mouton", sorte de masse glissant entre 2 rails venant percuter le coin de revers maintenu au dessus du flan à l'aide de pinces.

Pour l'opération de frappe au marteau, le coin de droit (représentant le buste de l'Empereur) en forme de cône tronqué était enchâssé dans une enclume. Le flan monétaire était posé sur ce coin, et l'ouvrier venait ensuite positionner le coin de revers, maintenu à la main, sur ce flan. Un seul coup de marteau de l'autre main suffisait à "imprimer" la monnaie. Pour des raisons de répartition de métal lors de la frappe, les coins étaient toujours orientés à 6h ou 12h. On ne sait pas si la frappe était réalisée à chaud ou à froid.

La frappe au marteau était une opération très rapide, probablement quelques secondes par monnaie. Il faut imaginer pour arriver à un tel résultat la participation de deux voire trois personnes : un premier ouvrier déposait le flan sur le coin, puis un deuxième frappait la monnaie qui était ensuite retirée par un troisième ouvrier. Il est en effet difficile d'imaginer l'ouvrier frappant la monnaie déposer à chaque fois son coin de revers et son marteau pour aller positionner un flan sur le coin de droit. Il est par contre concevable que l'ouvrier qui positionnait les flans sur le coin de droit puisse en même temps retirer les monnaies de l'autre main si la frappe était réalisée à froid.

Il est bien évident que le coin de revers qui absorbe la majeure partie de l'énergie de frappe cassait ou s'usait plus souvent que le coin de droit, et était donc changé plus souvent. On trouve donc des monnaies présentant un même avers, mais un revers provenant de deux coins différents, et inversement : c'est sur ce constat qu'est basé l'étude des liaisons de coins. Cette étude reste assez complexe en ce qui concerne les antoniniens d'Antioche du fait de la diversité des bustes représentés, mais aussi de la rareté de ces monnaies.


La fabrication des faux

Bien qu'elle constitue un crime très grave sous l'Empire Romain, la fabrication de fausse monnaie était un phénomène assez courant. Cela consistait à recouvrir un flan monétaire en cuivre d'une feuille d'argent (on parle de "monnaie fourrée"), lui donnant ainsi après la frappe la même apparence que n'importe quelle monnaie. Le faussaire dégageait ainsi un bénéfice important puisque la fausse pièce jouissait de la même valeur marchande qu'une monnaie officielle, tout en contenant très peu de métal précieux.

On distinguera tout de même différentes catégories d'antoniniens fourrés :

- les émissions locales & imitations barbares : elles étaient frappées par de petits ateliers locaux, et destinées à un usage local. Ces monnaies étaient probablement tolérées par l'administration romaine dans certaines zones géographiques où la quantité de monnaies officielles en circulation était insuffisante. Ces monnaies sont facilement reconnaissables : le style de gravure est généralement pauvre, et les légendes n'ont parfois aucune signification. De plus, les revers n'ont parfois jamais été utilisés par l'atelier de Rome ou d'Antioche sur les monnaies de l'Empereur représenté.

- les imitations destinées à tromper le citoyen romain : les monnaies sont en tout point identiques aux types officiels, mais la qualité de la gravure est généralement moins bonne. Ces monnaies qui étaient difficiles à repérer à l'époque le sont beaucoup plus facilement maintenant, car la couche d'argent est souvent "écaillée", laissant apparaître le cuivre.

Antoninien fourré d'Antioche

- les imitations réalisées à partir de coins officiels : elles ressemblent à la catégorie précédente, mais ont été fabriquées à l'aide de coins officiels provenant d'ateliers monétaires officiels. Ces monnaies étaient peut-être fabriquées par les ouvriers monétaires, ou par des faussaires (ouvriers monétaires ou personnes extérieures) ayant subtilisé des coins dans l'atelier. Pour éviter tout risque de vol, les coins étaient collectés à la fin de la journée et redistribués aux ouvriers le matin. Ceci peut d'ailleurs expliquer certaines monnaies hybrides de l'atelier de Rome associant par exemple un buste de Philippe II avec un revers d'Otacilie.



 

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